Lycéenne au bon cœur, Haru est promise en mariage à Loon, l’héritier du Roi des chats qu’elle a sauvé in extremis d’un accident de la route. La jeune fille est invitée séance tenante dans le royaume des moustachus. Sur les conseils d’une voix amie, Haru se rend au Bureau des chats pour dénouer cette épineuse affaire.
Repoussé aux calendes grecques, La Petite Sorcière cède l’écran à un Ghibli mi-figue mi-raisin, de facture tout aussi mignonne, mais d’une ampleur nettement en deçà du zénith miyazakien. Dérivé d’un long métrage peu connu du studio, Mimi o Sumaseba (Si tu tends l’oreille), Le Royaume des chats fouine dans les meilleures bottes secrètes de Ghibli, sans réussir à extraire la combinaison magique, ni à maintenir un enthousiasme égal d’une péripétie à l’autre. La trame est pourtant jonchée de pavés rutilants. Hiroyuki Morita et Aoi Hiirogi détournent les trois références maîtresses du conte façon Boucle d’or: la dînette, la maisonnette et les coussinets – ceux des neko ("chats"), plus divinement psychotiques les uns que les autres. L’attention prêtée au salon anglais de Baron et à la ronde des pâtisseries dresse un premier tableau pimpant du Royaume des chats. L’ouverture guillerette et chatoyante nous promène d’un carrefour ensoleillé au repaire nocturne du solennel Baron Humbert Von Gikkingen, escorté par Mouta le matou dodu (ou l’impitoyable Rénaldo Moon). "Une jeune fille inexpérimentée livrée à elle-même sur une terre inconnue…" Les Chihiro, Kiki, Nausicaä et Fio se reconnaîtront sans peine dans leur petite cousine en socquettes blanches.
La comédie extravagante prend pourtant le pas sur la flamme aventurière et les grands espaces. Indécise mais vorace, Haru part goûter à la vie princière des félins, sans se douter du piège qui lui est tendu. Une patte posée dans l’autre monde, et l’esthétisme du film bascule du côté mou. Les décors s’appauvrissent, les détails s’amenuisent, la joliesse des saynètes urbaines disparaît au profit d’un château maigrichon. Régime pain sec pour toute la cour. Pour qui rêvait d’un palais gourmand à la Hans et Gretel: léger désappointement. Haru satisfait ses vœux de princesse, mais perd dans la foulée son identité. Plus elle se conforme à la communauté féline, plus elle renonce à ses attaches terrestres et refuse de mûrir. Inabouti, mais désopilant dans ses virages les plus périlleux, Le Royaume des chats pourrait être le pendant enfantin du Voyage de Chihiro. Toujours à la proue du vaisseau, Hayao Miyazaki a couvé et téléguidé les débuts de Morita. Terrain neutre dédié aux jeunes brindilles du studio, l’entreprise peine encore à rivaliser avec Mimi o Sumaseba de Yoshifumi Kondô (décédé en 1998), qui témoignait d’une sensibilité et d’une personnalité bien différenciées des pères fondateurs.